Ahmed, étudiant en journalisme à Sarajevo : « Les gens ne sont pas assez éduqués à la démocratie »
À 21 ans, Ahmed Kosovac étudie le journalisme à la faculté de Sciences politiques de Sarajevo. Engagé en politique, il nous décrit un pays divisé entre les différentes ethnies.
Ahmed s’installe dans un salon de thé moderne et cosy, loin du bruit ambiant de la ville. Autour d’une citronnade, le jeune homme, étudiant en journalisme à Sarajevo, parle de son parcours, de l’histoire de son pays et de sa vision politique. Indépendant et curieux, il voyage à travers l’Europe depuis plusieurs années pour « être connecté aux autres ». Cette ouverture au monde lui permet d’avoir une vision plus contrastée de son pays. Mais comme la plupart des jeunes en Bosnie, Ahmed ne se retrouve pas dans la politique, qu’il estime « corrompue ».
« Tout est divisé en trois ici à cause des ethnies », estime Ahmed. Trois présidents sont à la tête du pays, élus pour huit mois, et l’État est constitué de treize entités gouvernementales ainsi que de 160 ministères. Depuis les accords de Dayton, signés en 1995, les citoyens se définissent comme l’un des trois peuples constitutifs de la République. Pourtant, ce traité de paix avait pour but de répartir le pouvoir entre les Serbes, les Croates et les Bosniaques. Mais dans la réalité, ces accords ont divisé le pays en deux entités ethniques autonomes. Là n’est pas le seul problème. Le chômage de masse déstabilise le pays. Selon le CIA World Factbook, le taux de chômage était de 28% en 2016. Chez les jeunes, il atteint même 67% en 2016 selon la Banque mondiale.
Une frustration qui ne cesse de grandir et finira par s’exprimer en 2014. Des manifestations antigouvernementales, parties de Tuzla, massives et parfois violentes, éclatent alors dans tout le pays. Qualifiées par les médias de « printemps bosnien », le mouvement va vite s’estomper. En quelques jours, les esprits se calment. Pour Ahmed, si ce mouvement a pris fin, c’est parce que « les gens ne sont pas assez éduqués à la démocratie ». Aujourd’hui, les jeunes se désintéressent de la politique et regardent vers l’ouest pour leur futur. Éternel positif, Ahmed s’active pour espérer des changements. En rejoignant Naša stranka,« Notre partie » en français, l’étudiant en journalisme y voit une alternative.
Fondé en 2008, Naša stranka est un parti social-libéral pro-UE et pro-OTAN. Le parti ne cesse de grandir à l’approche des élections présidentielles de 2018, avec 5 000 membres constitués en majorité par des jeunes, selon Ahmed. Pour lui, contrairement à d’autres mouvements, ce parti « ne joue pas sur les ethnies pour augmenter sa popularité ». Car les relations se tendent entre les Bosniens. « S’ils continuent on aura une nouvelle guerre », affirme Ahmed. La seule solution possible pour l’étudiant serait l’intégration de la Bosnie à l’Union européenne, même s’il sait que « ça va être compliqué ». Officiellement candidate depuis 2016, la Bosnie devra renforcer son économie, améliorer son système politique et judiciaire et faire des efforts en matière de liberté d’expression.
En attendant les prochaines élections, très attendues dans le pays, Ahmed va se concentrer sur lui et s’éduquer davantage à la politique. S’investir au niveau local serait pour le jeune homme, une source de motivation et d’intérêt, pour rester en Bosnie.
Valentine ZELER