Andrée Viollis, grand reporter
Andrée Viollis, grand reporter, alter ego féminine d’Albert Londres.
Andrée Françoise Caroline Jacquet, dite Andrée Viollis (1870-1950), une des journalistes les plus connues entre les deux guerres, aussi célèbre qu’Albert Londres, figure marquante de l’information et du grand reportage, témoin de nombreux événements politiques de la scène planétaire pendant le premier tiers du XXe siècle, est tombée aujourd’hui dans l’oubli ou presque, au contraire d’un Albert Londres, auquel on pourrait la comparer.
Andrée Viollis, née le 9 décembre 1870 aux Mées et morte le 10 août 1950 à Paris, est une journaliste et écrivaine française. Figure marquante du journalisme d’information et du grand reportage, militante antifasciste et féministe. Elle fut l’égale de Londres et de Kessel.
En 1890, après l’obtention de son baccalauréat, elle passe trois ans en Angleterre en tant que préceptrice, tout en suivant des cours à Oxford. Elle poursuit des études supérieures en France et obtient une licence ès-lettres. Elle s’oriente vers le journalisme et fait ses débuts au sein du journal féministe La Fronde de Marguerite Durand où elle découvre le journalisme d’investigation et d’idée. Elle y publia plus de 500 articles, y défendit le capitaine Dreyfus, les idéaux républicains et le droit des femmes. « Rien ne vaut cette indépendance, cette fierté d’exister par soi-même, de vouloir et de faire sa vie, écrivait-elle en 1901. […] Tout ce que nous voulons, c’est que l’on respecte en nous la dignité de l’être humain, sans souci du sexe. […] Si les hommes nous traitaient comme d’autres eux-mêmes nous n’aurions pas à revendiquer, pour le travail égal, l’égal salaire. »
À partir de 1914, elle s’engage sur le front en tant qu’infirmière. Le Petit Parisien publie ses reportages auprès des blessés et l’envoie en 1917, à Londres interviewer le Premier ministre anglais. Ensuite, elle s’oriente vers le grand reportage et couvre les domaines les plus divers : manifestations sportives, grands procès, interviews politiques, correspondance de guerre.
Parallèlement, elle est dès 1924 la seule femme à la direction du Syndicat des journalistes, où sa répartie de 1932 sera appréciée, face à un officier japonais furieux de sa présence lors d’exactions nippones à Shanghaï, qui lui demande « Que faites-vous là ? » et elle lui répond « Mon métier ! ».
Elle enquête dans la Russie de 1927 dix ans après la révolution bolchévique, témoigne de la guerre civile afghane en 1929, de la révolte indienne en 1930. Elle accompagne le ministre des Colonies Paul Reynaud en Indochine en 1931. Elle donna à son retour à la revue Esprit ses « Quelques notes sur l’Indochine » (parues le 1er décembre 1933 dans un numéro consacré à « La Vérité en Extrême Orient ») dans lesquelles elle révélait les cruautés de la répression, les méthodes de l’administration française, le refus des libertés élémentaires pour les indigènes ; elle publia ensuite son fameux Indochine SOS, chez Gallimard, avec une préface d’André Malraux.
Elle suit en 1932 le conflit sino-japonais. Elle se trouve en Chine en même temps qu’Albert Londres. Gravement malade et hospitalisée à Shanghai, Albert Londres, lui rend visite avant son embarquement pour la France, sur le Georges-Philippar et sur lequel il périra dans l’incendie du bateau. Elle connaissait Albert Londres depuis 1925. Celui-ci racontait en 1927 dans les Nouvelles littéraires : « Où Andrée Viollis nous faisait bouillir le sang c’était aux télégraphes internationaux. Nous avions beau écrire à cent à l’heure, ne pas déjeuner, sauter ensuite, sans avoir séché notre encre, dans les autos les plus puissantes, promettre au chauffeur de payer généreusement les contraventions que lui vaudrait un excès de vitesse, quand, essoufflé, suant et affamé, nous arrivions au guichet, elle était là ! ». Elle même écrivit à propos d’Albert Londres : « Il ne se bornait pas à voir et à comprendre, il créait avec une imagination qui touchait au génie. il était historien mais encore il était poète. Son regard aux lueurs aiguës observait avec une terrible lucidité, puis son originale fantaisie donnait un grand coup d’aile ».
Pendant le Front populaire, elle s’engage aux côtés des intellectuels antifascistes et codirige avec André Chamson et Jean Guéhenno l’hebdomadaire politico-littéraire Vendredi, où elle défend la cause de la République espagnole et des peuples victimes de la Colonisation française.
De 1929 à sa mort, elle est membre du Club des belles perdrix, association de femmes de lettres gastronomes.
En 1938, elle entre à la rédaction du quotidien communiste Ce soir, dirigé par Louis Aragon et Jean-Richard Bloch.
Proche des milieux intellectuels communistes, elle s’engage dans la Résistance en zone sud pendant la Seconde Guerre mondiale, et met sa plume au service de cet engagement. Andrée Viollis écrivit une brochure sur le racisme hitlérien, publiée clandestinement sous l’égide du Mouvement national contre le racisme. Elle passe la guerre à Lyon et Dieulefit.
En 1945, Andrée Viollis travaille de nouveau avec Ce soir. Elle collabore également à quelques publications de la mouvance communiste. Elle reprend les grands reportages, ce qui l’amène à voyager en Afrique du Sud.