La Cote 1050 : les vestiges oubliés de Novaci

La Cote 1050 : les vestiges oubliés de Novaci

A 12 kilomètres de Bitola, il existe une colline désertique et rocailleuse, connue sous le nom de « Cote 1050 » qui regroupe les premiers abris du Front français. Le site militaire faisait face aux armées bulgares et allemandes dans les Balkans lors de la Première Guerre mondiale. Entre 10 000 et 12 000 soldats auraient trouvé la mort dans la région. A ce jour, un certain nombre de corps reposent sur les hauteurs de Novaci.

Os humain

Os retrouvé sur la « Cote 1050 » – Photo de Jacopo Landi

L’accès au site est difficile et l’usage d’un véhicule tout-terrain est presque indispensable. C’est accompagné d’un pompier féru d’Histoire de la Grande Guerre que nous découvrons la Cote 1050. Arrivés sur place, le premier vestige visible est un os de grande taille. « Regardez : il y a un os ! »s’exclame Kostadin. « Il appartient peut-être à un soldat : on ne sait pas », dit-il dans un sourire. Rien ne peut prouver l’appartenance de l’ossement à un ancien soldat. D’ailleurs, l’ancien site militaire n’a toujours pas fait l’objet de fouilles officielles. Chemin faisant, on découvre des grenades qui n’ont pas été propulsées, des balles dans leurs douilles rouillées ou des shrapnels sans âge. Kostadin nous explique que des villageois se sont réappropriés un certain nombre d’objets de guerre afin de fortifier leurs habitations. C’est ainsi que l’on peut trouver des enclos constitués de grenades en guise de briques dans la région de Novaci.

Pendant la guerre, les Français construisaient les tranchées à l’aide de bois et de sac de terre tandis que les Bulgares utilisaient du ciment et du béton pour fortifier leurs espaces. Aujourd’hui, les tranchées françaises sont recouvertes par une flore brulée qui laisse deviner les reliefs du front. Seuls les boyaux en zig-zag à l’intérieur de la montagne qui permettaient d’échapper à l’ennemi, sont encore nettement visibles.

La survie dans les tranchées.

Tranchée

Tranchée menant à un des abris – Photo de Jacopo Landi

Le Front français du côté de Novaci comptait une centaine d’abris rocheux sous forme de grottes creusées à la main dès 1916. Elles avaient pour avantage de conserver la chaleur et permettaient aux soldats de se protéger du froid pendant les hivers longs et rudes des Balkans.

Kostadin Popovski s’exprime sur les conditions de vie des soldats : « La plus grosse difficulté qu’ils devaient surmonter était le manque d’eau. Pour cela, ils ont construit un puit qui recueillait la pluie ». Ce dernier est toujours visible même après 100 ans d’existence.

Le travail de construction était ardu car les militaires ne disposaient que de pioches et de pelles pour réaliser leurs constructions. De nos jours, on devine les espaces dédiés à l’artillerie, au repos des guerriers, mais aussi les dortoirs de pierre et l’hôpital rudimentaire qu’ils avaient construit pour soigner leurs blessés. Dans la pièce consacrée à l’artillerie, les fenêtres d’où les soldats tiraient à la mitraillette restent intactes. Kostadin nous indique les traces laissées par les pieds du canon.

A Novaci, la chaleur des grottes peut être très élevée comme en témoigne la présence d’essaims de mouches et de moustiques. Durant la guerre, ces insectes étaient attirés par les zones marécageuses de la région, provoquant la mort d’un grand nombre de soldats des suites de la malaria, du choléra ou du typhus.

Une difficile réhabilitation du patrimoine militaire.

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Vue depuis la pièce consacrée à l’artillerie -Photo de Jacopo Landi

Aujourd’hui ces lieux restent très peu fréquentés comme la nature en témoigne. Les herbes hautes, asséchées par le soleil ardant et armées d’épines ont repris leurs droits. Elles camouflent des serpents, abritent la promenade d’imposants bousiers, zèbrent d’ombre les terriers des fourmis et servent de tremplins à des sauterelles géantes. L’environnement est hostile et silencieux, encore en deuil de la bataille de Monastir et des affrontements de Novaci.

La municipalité commence à développer des actions en partenariat avec la France pour sauvegarder ce lieu de mémoire et pour le rendre plus visible. « Nous essayons de promouvoir ce patrimoine à l’international » confie Galina, la traductrice et membre de l’Association Européenne pour la Démocratie Locale (ALDA), qui déplore que ce lieu de mémoire collective reste inconnu des Français.

Il existe un potentiel culturel lié à l’histoire de la Grande Guerre que la Macédoine cherche désormais à exploiter. Cela étant, l’usine thermique située au pied du site militaire apparaît comme un frein notable dans le développement des activités touristiques. Entre le coût des réhabilitations patrimoniales et les défis énergétiques régionaux, la Côte 1050 demeure à ce jour, une sorte de no man’s land connue des seuls spécialistes de 14-18.

Photos extraites du reportage photographique de Jacopo Landi.

Fanette Catala