Le journalisme face à la censure
Changement de programme de dernière minute : Hervé Ghesquière, endeuillé par la soudaine disparition de sa mère, n’a pu honorer son engagement. Il est remplacé au pied levé par deux grands reporters, Philippe Alfonsi et Alain Debos. Difficile d’évoquer la censure en l’absence d’un journaliste qui incarne une certaine conception de son métier, à laquelle il a été conduit à sacrifier deux ans de sa vie. Aussi, la conférence qui s’improvise s’amorce-t-elle par la diffusion du reportage réalisé par Hervé Ghesquière et Georges Malbrunot en 2009, sur la présence des forces françaises en Kapisa, avant même que les deux confrères de France Télévision ne soient pris en otage. Ce reportage est censé révéler la manière dont s’exerce la censure dans un pays réputé libre. Réagissant aux images qui ont été projetées et s’appuyant sur une longue expérience, les deux reporters interrogés s’accordent d’abord à dire qu’à présent, dans les pays en guerre, les journalistes ne sont plus considérés comme des témoins qui servent la cause universelle de la vérité. Ils forment une cible ou une monnaie d’échange. De sorte qu’ils sont beaucoup plus exposés. Ce qui amène Alain Debos, qui a couvert plusieurs conflits, que son métier est devenu « mille fois plus dangereux » qu’il ne l’était auparavant. C’est, pour une part, ce qui explique le sort qu’ont connu Hervé Ghesquière et Georges Malbrunot en Afghanistan pendant deux ans. Mais comment expliquer que leur captivité ait duré si longtemps ? C’est alors qu’une hypothèse politiquement incorrecte est avancée : ils auraient tous deux fait les frais de leur volonté de mettre en évidence les difficultés et les risques auxquels étaient confrontées quotidiennement les forces françaises qui devaient sécuriser la principale voie d’accès en Kapisa. Loin de consentir à relayer la communication de l’armée Française, affirmant que la situation était parfaitement sous contrôle, Hervé Ghesquière avait en effet pris le parti d’apporter la preuve du contraire. Et sa position aurait fortement irrité les autorités, qui, en conséquence, n’auraient pas fait tout leur possible pour obtenir rapidement la libération des deux journalistes. C’est dire le caractère sournois d’une censure qui ne dit pas son nom et agit d’une manière larvée dans un pays démocratique comme la France, avec une rigueur et un vigueur insoupçonnées du grand public.
Bien sûr, la censure n’a pas qu’un seul visage, en particulier dans un pays comme le nôtre où elle n’a légitimement pas droit de citer. En outre, elle peut prendre des formes assez inattendues.
Avec le développement des réseaux sociaux et le perfectionnement des moyens de communication, chacun d’entre nous peut témoigner des événements qui secouent le monde. Et chacun a la possibilité de mettre en ligne des images et des textes qui expriment son point de vue sur la réalité observée. Face à ce phénomène massif, ressenti comme une véritable « dictature » par Philippe Alfonsi, la presse doit s’adapter, l’intérêt que présente la révélation d’une information dépendant, pour partie, de la vitesse à laquelle elle est communiquée au public. Et parce que leur survie est subordonnée à leur réactivité, certains organes de presse sont tentés de divulguer des informations sans avoir pris la précaution de vérifier leurs sources. Or, ne pas effectuer de contrôle scrupuleux des données que l’on exploite, ne pas soumettre la présentation de ces données à une quelconque critique, revient à pratiquer une forme d’autocensure.
Il y a plus grave encore, et plus pervers. Aujourd’hui, en effet, lorsqu’on passe d’une chaîne de radio à une chaîne télévisée, les mêmes sujets sont abordés au même moment, et l’on se rend compte que les journalistes partagent globalement les mêmes points de vue et apportent à leurs enquêtes les mêmes conclusions. Ici, la censure se confond alors avec ce que Philippe Alfonsi nomme « l’unanimisme ». Ce phénomène touche, selon lui, une grande partie des médias actuels, et prend de plus en plus d’ampleur. De quoi inquiéter tous ceux qui défendent une certaine idée du journalisme et priver malencontreusement, par le jeu des raccourcis et des amalgames faciles, la presse professionnelle de sa crédibilité.
par Max FAURITE, Yanis FOURNIER, Elsa FRICOU, Célia GOBRON, Lou GRAMMATICO, Auxane GROUILLE, Flavie LAUBIGNAT, Kilian MAILLET, Emma MARIE, Charlotte MAUSSANG, Olivier MORENO, Emma PIONBINI, Aymeric PLANEIX, Régis PUCCIA, Sara VIGOUROUX, élèves de 4ème 2 du collège Jean Rostand de Bellerive-sur-Allier.