Noël Genteur, un homme au service de la mémoire
Ancien maire de Craonne et conseiller général de l’Aisne, Noël Genteur a récolté de nombreux témoignages de poilus. Il se donne pour mission de transmettre leurs histoires et celle du front de Craonne.
D’un mouvement vif, Noël Genteur se baisse pour ramasser un débris d’obus. L’agriculteur porte la moustache gauloise et se veut le gardien de la mémoire de la grande guerre. Il ne rechigne jamais à faire visiter le Chemin des Dames, désignant les lignes de front, des deux côtés du no man’s land. Il se décrit comme « un trampoline », qui renvoie ce qu’on lui a confié. Et des partages, Noël en vit régulièrement. Des rencontres émouvantes qui le bouleversent. Comme lors de sa visite à Julien, ancien rescapé du Chemin des Dames, dans une maison de repos à Paris. Issu du même village et éleveur comme lui, Noël ne parvient pourtant qu’après de longs efforts à recueillir les souvenirs du vieil homme. Son témoignage lui donne encore des frissons. Le rescapé du Chemin des Dames lui détaille la boucherie organisée. « Lors d’une offensive de 250 hommes, seuls 17 soldats sont revenus. Une centaine d’hommes tombaient à la minute ». Pendant que Julien parle, du pus goutte de son visage. « Ne t’inquiète pas pour ça » rassure le rescapé, face au regard inquiet de Noël. Son menton porte le souvenir des quatre années d’horreur qu’il a vécues. Le frottement du casque porté lors de la guerre réveille encore sa peau, une brûlure minime en comparaison des souffrances endurées.
Lorsqu’il se remémore ces histoires, les yeux de Noël brillent d’émotion. Il pourrait en parler pendant des heures. Pudique, il ne raconte que ce qu’on lui a autorisé à dire. A sa mort, l’ancien maire de Craonne transmettra à ses enfants une version écrite des souvenirs récoltés pendant de longues années.
Noël Genteur se bat aussi pour la reconnaissance des fusillés pour désobéissance. Régulièrement, il rajoute les noms des oubliés sur les monuments aux morts. « Pendant longtemps, Craonne a été un sujet sensible à éviter. Même aujourd’hui, il est difficile d’obtenir la réhabilitation de ceux qui ont refusé de sortir des tranchées. » déplore Noël. Ses yeux d’un bleu perçant scrutent l’horizon, imaginant l’immense chaos qui devait régner sur son village si tranquille aujourd’hui.
Philosophe, l’homme qui a repris la ferme familiale à 24 ans, ne cesse d’admirer la nature. « L’environnement nous appelle à la beauté mais l’esprit de l’homme est tiré vers le bas. Il y a quelque chose qui ne va pas. Quand va-t-on devenir raisonnable ? ». Noël espère que son travail aidera les hommes à prendre conscience des horreurs de la grande guerre. « Ce parcours n’est pas intéressant en lui-même, il l’est pour ceux qui viennent. » Pour revenir sur les traces de leurs ancêtres, ou simplement, comprendre les conditions de vie des soldats en 1917.
Hélène Herman
Pour plus de détails sur les conséquences de la première guerre sur Craonne, voyez cet article