Pale, l’ancienne capitale endormie
Des bâtiments modernes qui dissimulent un taux de chômage élevé : Pale, l’ex-capitale de la partie serbe de Bosnie-Herzégovine, se relève difficilement de la guerre.
Au milieu des montagnes, Pale sommeille sous une chaleur oppressante. Considérée comme le prolongement de la banlieue de Sarajevo, Pale est l’ancienne capitale de la partie la Republika Srpska, l’entité serbe de la Bosnie-Herzégovine. Une ville de 14 000 âmes sous contrôle politique des Serbes. La majorité de ceux-ci sont venus se réfugier à Pale, lors de la guerre, entre 1992 et 1995. À la fin de celle-ci, la capitale est délocalisée à Banja Luka, dans le nord du pays. Aujourd’hui, la capitale n’est plus, mais les Serbes demeurent.
Une heure suffit pour faire un tour rapide de cette ville, typique des quartiers serbes de Bosnie-Herzégovine. Souvent, l’écriture cyrillique prend le dessus sur l’alphabet latin. Tous les vingt mètres, des barres d’immeubles bétonnés sont alignées. Au pied de chacune, un café où les habitants de Pale se détendent en sirotant une limunada, la citronnade locale.
La ville s’organise autour de trois axes routiers principaux reliant « l’hypercentre » à la « périphérie ». Le contraste avec Sarajevo est saisissant. Une taille bien moins importante, une faible densité de population qui est loin de rappeler le fourmillement de la vieille ville de Sarajevo. Arriver à Pale comme journaliste, c’est comme débarquer dans une soirée où tu n’es pas invité. Ici, personne ne te dit rien, mais tout le monde te regarde. Ana, jeune résidente du quartier de Lukavica, à Sarajevo-Est côté Republika Srpska, et étudiante en droit à Pale, illustre bien la pensée des habitants de cette ville : « Mais pourquoi êtes-vous venus vous perdre ici ? ».
L’ex-capitale de la partie serbe de Bosnie-Herzégovine est un lieu de contrastes. L’une des seules usines restantes dégage une forte odeur de bois. Avant la guerre, Pale vivait principalement de la coupe de bois. Dans le centre, de nombreux travaux sont en cours à l’image de l’église orthodoxe. L’hypercentre de la ville est constitué d’une grande zone commerciale, un complexe sportif flambant neuf, une faculté moderne qui n’a rien à envier aux établissements français, et le bilijar klub 2, une salle de jeux clinquante qui contraste avec les maisons décrépies, situées en face. Pale, ce sont des bâtiments modernes qui ne dissimulent pas un taux de chômage plus élevé que dans la capitale. D’un côté des Porsche Cayenne, de l’autre d’anciennes Golf essoufflées ou autres Yugo, le symbole de la classe moyenne yougoslave.
Sur le bord des routes, des petits commerces affichent sur leur façade Lionel Messi et Cristiano Ronaldo. Des bureaux qui incitent les jeunes à parier. Pas vraiment de quoi s’épanouir lorsqu’on est jeune à Pale : alors l’argent devient un jeu. Les tours de la ville en motocross le sont aussi. C’est l’occasion de montrer les mécaniques, rouler en groupe, se sentir exister au milieu d’une ville où l’avenir manque de les faire briller.
Rémi Simonet